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Tableaux en attente d'écrits UERA

jeudi 25 septembre 2014

Scène au parc de la Tête d'Or

Minéral Végétal
Sur la femme de pierre dénudée
La main de l’arbre
Coquine caresse végétale 

 
Photographie Norlane Deliz - 2010.

Par Norlane Deliz.

jeudi 18 septembre 2014

Voyage sur la Néva

Les amarres furent larguées à 17h30 et le long bateau quitta enfin le port, fendant la Néva pour huit jours de navigation, destination Moscou et l'incontournable place Rouge.
Mais avant ça, de nombreuses escales allaient ravir Julie et Sacha. Bientôt le tumulte de la ville disparut et laissa place à la quiétude et au ronronnement des moteurs. Le fleuve était large, dessinant au loin des méandres au milieu d'une végétation drue et verdoyante. Les premières Datcha colorées firent leur apparition, véritables paradis ces résidences secondaires sans chauffage ni eau courante, abritaient pour les vacances ou les week-ends, des citadins aux appartements souvent exigus, désireux de respirer le grand air et cultiver un petit lopin de terre. Puis au détour de quelques villages, les Isbas, ces maisons traditionnelles en bois aux sculptures minutieuses, véritable patrimoine du peuple Russe. Julie, postée à l'avant du bateau, regardait défiler ce paysage féerique, s'enivrant de cette immensité, de cette quiétude. Parfois elle s'imaginait naviguant sur l'Amazone, traversant la Patagonie, tant tout autour d'elle n'était que gigantisme.
Le DostoÏevski quitta définitivement la Néva, traversant le lac Ladoga sous une brise légère qui faisait onduler la surface de cette mer intérieure, dont les rives au loin s'estompaient peu à peu.
Entre les lacs Onéga et Ladoga, c'était maintenant le Svir et ses 220 kilomètres qui dévoilaient à Julie et Sacha les paysages enchanteurs et pittoresques de "la route bleue". Le granit affleurait entre les bouquets de chênes, de bouleaux et de conifères, mais ce qui était le plus troublant dans ce berceau de l'industrie forestière, hormis la multitude de scieries qui jalonnaient le fleuve, c'était bel et bien tous ces troncs d'arbres, entassés, rangés, oubliés le long des berges.
Seraient-ils tous débités ou finiraient-ils emportés par les caprices du Svir au plus fort de l'hiver ?
Puis vint Mandroga, cet ancien village de pêcheurs, connu également sous le nom de Verkhnie-Mandrogi, détruit pendant la dernière guerre mondiale, abandonné jusqu'en 1996, ce village artificiel que certains nommaient judicieusement "Roussia Land" avait retrouvé son rôle particulier dans le tourisme local. Julie et Sacha eurent plaisir à s'y promener, foulant comme des conquérants les sentiers forestiers les plus éloignés, découvrant au hasard de leur chemin, ces majestueuses Isbas traditionnelles, dont les fenêtres dévoilaient de magnifiques dentelles.
 
Par Marie Garnier.
Extrait de Argoun, éditions Baudelaire - collection l'étincelle, février 2014.

jeudi 11 septembre 2014

Sur les pas de Lou



Gregory Creston vous emmène dans les pensées de Guillaume Apollinaire, soldat amoureux.

Guillaume APOLLINAIRE
A Lou pendant la 1ere guerre mondiale

A l’aube
De ce Soleil Noir
Le chant des Ténèbres
Noircit la Lumière !

Sur champs de bataille
La peur me tenaille
Le souffle coupé
Je ne sais où je vais
Mon identité se perd
Me voila Autre

Ma Lou !
Ma Reine !
J’aperçois ton visage
Au cœur du Ciel incendié
A ton sourire élégant
Je t’envoie un baiser
Dans l’air puant !

Ma Lou !
Ma belle !
Je demeure le fantôme
De tes rêves 
Qui espère renaître
Le jour de nos retrouvailles !

Je t’écris
Lorsque mon cœur
Se meurt dans le silence
Assourdissant !

Je sais notre amour éternel !
Au cœur de la nuit
Toujours tu m’entends
Toujours je t’entends

Notre ami, le vent
Est le porte parole
De nos tourments !

Par Gregory Creston.
Extrait
de Au cœur d’un phare solitaire, Edilivre, août 2014.


 

jeudi 4 septembre 2014

Une nuit au château de Tryskellia



Tout était alors calme dans le château et la nuit aussi noire que les précédentes. Une nuit sans lune, puisqu’il n’en existe aucune autour de Tryskellia. Seules les sphères de lumière éternelle, accrochées à leur tuteur et disposées tout au long des fortifications du palais ainsi qu’aux entrées du village, créaient de faibles halos blanchâtres qui rivalisaient péniblement avec l’obscurité. Aucune des sentinelles n’entendit ni ne vit cette présence sournoise et maléfique investir les ruelles désertes de la cité, remonter inexorablement des remparts du château et s’approcher des fenêtres des jeunes princesses endormies. Il est vrai que la vigilance des gardes s’était depuis bien longtemps relâchée. Depuis que les dernières guerres, vieilles de dix ans, avaient laissé place à une paix durable et que tous imaginaient inaltérable. Pourtant…


Une main se déploya devant le faible obstacle que pouvait représenter la porte-fenêtre donnant sur la chambre d’Iréade et Harmoneï. Les deux battants cédèrent à un sortilège malveillant. Pas le moindre bruit. Pas le moindre vent non plus qui aurait pu s’engouffrer jusqu’à leur lit et les alerter sur cette intrusion. Seules deux ombres silencieuses se dessinaient sur les murs de la pièce. Une main verrouilla fermement de l’intérieur la porte qui donnait sur le couloir, dans le seul but de retarder, voire de condamner, toute intervention des gardes du château. Une main se posa sur la bouche d’Iréade, tout comme sur celle d’Harmoneï, provoquant leur réveil brutal. Cette entrave leur interdisait le moindre cri. Leurs regards apeurés faisaient désormais face aux grands yeux orangés et menaçants qui se détachaient de la pénombre. Au-dehors, le silence absolu qui régnait encore ne pouvait laisser présager le drame qui s’annonçait. Un silence qui n’en finissait plus de s’imposer sur cette nuit. Mais c’est bien avant l’aurore qu’allait être révélé aux habitants du palais le sort infligé aux jeunes héritières.
Des cris vinrent déchirer ce silence. Il ne pouvait s’agir d’Harmoneï. Sous de tels cris de terreur – car c’est bien de cela dont il s’agissait, de réels cris de terreur –, les vitres de la cité tout entière auraient volé en éclats. Invités et résidents du château étaient pour la plupart sortis de leur sommeil lorsqu’Idwall, Akharon et dame Lyrianne parvinrent devant l’entrée de cette chambre close où Iréade continuait de crier, implorant sa mère de les aider, elle et sa soeur. Ils furent immédiatement rejoints par les quatre dragonniers choeurvastois. Et malgré toutes leurs tentatives, les gardes, arrivés les premiers sur les lieux, ne parvenaient toujours pas à forcer la porte qui résistait à tous leurs assauts.
— Je vous en prie, maître Idwall, intervenez ! J’ai l’habitude de calmer leurs cauchemars, mais là, j’ai peur d’autre chose.
Le vieux sorcier avait rarement ressenti telle angoisse chez la reine et il craignait qu’elle ait raison de s’inquiéter ainsi. D’autant qu’Harmoneï ne s’était plus manifestée depuis leur réveil et qu’Iréade, à elle seule, avait mis en ébullition la moitié du château. Il se précipita vers les gardes qui redoublaient d’effort pour tenter d’ouvrir cette maudite porte.
— Ôtez-vous de l’endroit, laissez-moi un large espace.
Les soldats s’exécutèrent sur-le-champ. Ils connaissaient la puissance des pouvoirs du magicien. Si quelqu’un pouvait défaire cet obstacle, c’était bien lui. Seul face à l’entrée condamnée, il tendit devant lui le médaillon qu’il portait autour du cou et qu’il ne quittait jamais, puis lança son incantation :
— OREA… ADESSOONA… LIBERA !
Le vêtement de nuit d’Idwall, que l’on pouvait penser inadéquat à la situation, n’altéra nullement l’efficacité du sortilège. Au dernier mot de l’incantation, lancée avec force par le sorcier, la porte s’effondra au sol dans un grand fracas, révélant la pièce entièrement plongée dans le noir. La reine Lyrianne ne percevait désormais plus que les pleurs d’une de ses filles. Elle tendit le bras pour faire comprendre à son entourage qu’elle souhaitait entrer la première. À la lueur de la bougie qu’elle avait en main, elle perçut l’ombre de ses deux filles, chacune agenouillée sur son lit.
— Iréade ! Harmoneï ! Vous n’avez plus rien à craindre, nous sommes là, voulut-elle les rassurer tout en s’engageant dans l’obscurité de la chambre.
Elle avança encore, suivie d’Akharon. Il ne faisait aucun doute que c’était bien Iréade qui sanglotait.
— Iréade, tout est tranquille maintenant. Regarde ! Harmoneï ne pleure pas, elle. Tu as probablement fait un mauvais rêve. Il devait être effrayant pour que tu…
Brusquement, une force inconnue déferla dans la pièce, éteignant les bougies et projetant la reine et le Vénésian à terre. Les deux ombres traversèrent la chambre, accompagnées de cris stridents, pour disparaître par la porte-fenêtre aussi vite qu’elles étaient apparues. Idwall s’était précipité vers la souveraine pour lui venir en aide tout en essayant de contenir la fuite de ces êtres agressifs, mais sa riposte fut vaine. L’événement avait été trop soudain pour que son sortilège ait le temps d’opérer sur ces intrus.
— Nous partons à leur poursuite. Yrekhen et ses compagnons sauront les pister et les rattraper.
Kéhor parlait des Dragons Rouges bien sûr, dont les sens étaient étonnamment développés. Ajoutées à cela leurs facultés de voler et de cracher le feu, la réputation d’excellents limiers des Espériates n’était plus à démontrer. Typhaynn, Kéhor, Léandre et Orain se dirigèrent rapidement vers les grandes étables où leurs compagnons dragons résidaient cette nuit-là. Le magicien, de son côté, avait fait renaître la flamme de sa bougie, offrant une infime clarté au coeur de la chambre. Lyrianne s’était relevée et faisait face aux jeunes jumelles restées recroquevillées sur leur lit.
— Harmoneï ! Iréade ! Vous n’avez rien ?
Elle imagina tout d’abord sa perception altérée par l’insuffisance de lumière, mais réalisa vite quel maléfice venait de s’abattre sur ses filles. Cette vision cauchemardesque la terrifia.
— C’est impossible !
Ce furent les derniers mots de la reine avant qu’elle ne s’évanouisse dans les bras d’Akharon.

Par Didier de Vaujany.
Extrait de TRYSKELLIA – Manuscrit Premier – Le Crépuscule des Sirènes. (chapitre 7 – Intrusion), éditions Beaurepaire, juin 2013.